Les premiers "coups d’ailes" en Afrique et au Cameroun

Publication : mercredi 24 novembre 2010 17:17

La fin de la Première Guerre Mondiale et ses conséquences ont exercé une influence considérable sur l'extension de l'aviation civile du vieux continent vers les colonies en Afrique, au Cameroun et ailleurs. Récit...

 

Dès novembre 1918, alors que la Première Guerre Mondiale s'achève tout juste, Pierre Georges Latécoère, industriel et homme d'affaires français imagine une ligne aérienne partant de la France pour atteindre l'Espagne. Celle-ci sera prolongée jusqu'au Maroc grâce à la signature, le 10 mars 1919, d'une convention pour l'acheminement du courrier entre Paris et Rabat. Elle est ensuite prolongée jusqu'à Casablanca.

En 1926, une ligne est établie en Afrique lorsque la Compagnie d'Entreprise Latécoère ouvre un service régulier entre Casablanca et Dakar, en prolongement de la ligne Toulouse-Rabat. C'est le début des lignes aériennes françaises civiles. Le Il avril 1927. Pierre Georges Latécoère, en proie à des tracas matériels et lassé par des difficultés, cède 93% de ses parts à Marcel Boulloux-Lafont, autre industriel et financier français installé au Brésil, qui crée la Compagnie Générale Aéropostale, Trois ans et demi plus tard, 1'Aéropostale possède 200 avions et 17 hydravions, 1500 employés dont 51 pilotes parmi lesquels le célèbre aviateur et romancier Antoine de Saint Exupéry et son compagnon Guillaumat. Ce qui lui permet de tisser un impressionnant réseau aérien à travers le continent Africain Mais en 1931 l'Aérospatiale est mise en liquidation, en grande partie à cause de la crise économique qui frappait alors le monde depuis le krach boursier de New York en 1929. Le 31 octobre 1933, l'Aéropostale fusionne avec d'autres compagnies aériennes françaises pour donner paissance quelques mois plus tard à la S.A. Air France.

L'armistice du 11 novembre 1918 marque la fin de la Première Guerre Mondiale. Elle met l'Allemagne, jugée responsable de cette guerre meurtrière, à la merci des Etats vainqueurs qui règlent le sort des colonies allemandes. Celles-ci sont confiées, sous mandat de la Société Des Nations (S.D.N.), à la France, au Royaume-Uni, à la Belgique, à l'Afrique du Sud et au Japon. Le Cameroun, ancienne colonie alle-mande, revient à la France dans sa partie orientale et au Royaume-Uni dans sa partie occidentale.

embarquement_utaLe moyen de transport utilisé par l'autorité métropolitaine française pour joindre ses colonies est essen¬tiellement le bateau qu'empruntent fonctionnaires, missionnaires, enseignants, militaires, commerçants et même des aventuriers parmis lesquels se recrutent les premiers exploitants forestiers et les chercheurs de minerais dont regorge le sous sol africain. Cependant, l'importance des mouvements de passagers et de marchandises s coIomes ; celui portant réglementation du survol des régions désertig,ues en A.O.F. et A.E.F eenregistres par voie maritime, n'occulte en rien l'échange de correspondances entre le Ministère et les Gouverneurs des colonies par voie aérienne. Les activités de la Compagnie d'Entreprises Latécoère, la Compagnie Générale Aéropostale, la S.A. Air France attestent de l'intense développement des liaisons aériennes entre la métropole et ses colonies. La convention internationale portant réglementation de la navigation aérienne est signée à Paris le 13 octobre 1919. Elle donne à la France le moyen légitime d'appliquer dans ses colonies les exigences réglementaires garantissant la sécurite des aéronefs et des tiers. Trois textes y contribuent particulièrement : celui relatif à l'immatriculation et l'hypothèque des aéronefs dans les colonies; celui portant réglementatation des survols des regions désertiques en A.O.F et A.E.F et le troisième fixant le statut de l'aviation marchande.

Le cas du Cameroun

aropLa trace la plus palpable de l'existence de l'aviation civile dans le territoire camerounais est le premier texte connu relatif à l'existence de l'aviation civile dans le territoire camerounais qui date du 25 uïn 1932. Il réglementait le survol du centre urbain de Douala. Ce texte sera suivi quelques années plus tard par l'arrêté N°381530 du 21 mai 1938 portant création des aéroports frontaliers de Batouri, Garoua, ; Yaoundé et Douala.

La création de ces premiers terrains d'aviation en terre camerounaise s'accompagne de mesures de protection des servitudes dans l'intérêt de la navigation aérienne, des attributions respectives des Départements de l'Air et des colonies en matière de protection radio-électrique de la navigation aérienne aux colonies et de la réglementation de la police sani-taire aérienne au Cameroun. De 1939 à 1945, la Deuxième Guerre Mondiale a amené un extraordinaire développement de l'aviation, d'où la nécessité d'élaborer une réglementation universelle pour résoudre les problèmes techniques et normaliser les méthodes et moyens mis en place. La Conférence de Chicago, tenue en automne 1944, aboutit à la rédaction de la Convention Internationale de l'Aviation Civile signée le 7 décembre 1944.

La France, l'un des 55 pays membres ayant participé à l'élaboration de cette convention, entend également profiter de son statut de puissance fédératrice pour conserver les avantages acquis en matière de transport et essayer d'obtenir la liberté de l'air et la libre concurrence dans sa sphère géographique. Le Décret N°47/1069 du 12 juin 1947 relatif au fonctionnement des services de l'aéronautique civile dans les territoires dépendants du ministère de la France d'Outre Mer (F.O.M.) et le texte du 5 mai 1948 déterminant les conditions de survol du continent africain en sont une parfaite illustration. Le 14 mars 1949, il est créé un comité consultatif de l'Air au Cameroun qui va se pencher sur le dossier des aérodromes publics à ouvrir à la circulation aérienne. Bénéficient de cette mesure, les aérodromes de Foumban (1949), Kribi (1950), Bertoua, Maroua ville et Maroua Salak, Kaélé, Ngaoundéré (1952),Eséka (1954).

En même temps que les aérodromes prolifèrent à travers le territoire national, et alors que la compagnie aérienne Air France monopolise les liaisons internationales entre Douala et l'extérieur, il est créé le 26 septembre 1950, une régie d'exploitation de lignes aériennes intérieures du Cameroun dénommée "Régie Air Cameroun ". Elle sera exploitée, même après la création de Air Afrique en 1961 jusqu'à la naissance de Cameroon Airlines par la loi N° 7l/LF du 10 juin 1971.

18 aérodromes en 1955

Déjà en 1955, le Cameroun comptait 18 aérodromes classés en trois catégories : les aérodromes principaux (Douala et Yaoundé desservis par des DC6, Garoua-Ngaoundéré et Maroua Salak recevant les DC4 ; puis Batouri, un aérodrome frontalier qui reçoit des aéronefs à destination et en provenance de Berberati en Oubangui Chari, (actuelle République Centrafricaine); Les aérodromes pour les avions légers (Bafia, Bertoua, Djoum, Eséka, Maroua ville, Sangmelima, Tibati etc) ; et les pistes d'atterrissage créées par des exploitants forestiers au gré des chantiers qu'ils ouvraient en pleine forêt équatoriale.

Dans le même temps, des aides à la navigation aérienne (radiobalise de Mbanga -10 octobre 1953) sont mises en service ainsi que des installations radio aéronautiques et les stations météorologiques qui se trouvaient sur la plupart des aérodromes du pays et étaient exploitées jusqu'au premier trimestre 1955 (année de la prise de certaines installations par le service aéronautique), par le personnel des Postes et Télécommunications. Avant 1960, année de l'indépendance politique, le Cameroun est déjà doté d'une infrastructure importante pour la desserte intérieure et extérieure. Le trafic intérieur est constitué non seulement des lignes irrégulières desservant une dizaine d'aérodromes mais aussi des vols à la demande, qui contribuent pour une grande partie au transport du fret aérien.

En effet, l'avion ne transporte pas seulement les passagers et les produits de la poste. Les matières premières qui vont régulièrement ravitailler les industries occidentales empruntent de plus en plus cette voie. Les aérodromes se développent en fonction du fret : viande de Ngaoundéré et Maroua, riz et oignons de Yagoua, coton de Kaélé etc.

A l'avènement de l'indépendance, le ler janvier 1960, les autorités administratives du jeune Etat poursuivent, avec l'aide des conseillers occidentaux qui continuent d'arpenter les couloirs des services publics nationaux, l'harmonisation des textes héri¬tés de la colonisation et le suivi de l'exploitation des infrastructures aéroportuaires et des compagnies aériennes avec plus ou moins de bonheur.