Conventions: de Varsovie à Montréal

Publication : mardi 22 décembre 2009 15:17

La Convention de Varsovie de 1929 relative au transport aérien international, qui entre dans son troisième âge, fut pendant plus de 79 ans le texte monumental qui a régi le transport aérien dans toutes ses facettes.

 

Toute personne qui avait emprunté ne serait ce qu’une fois la voie aérienne et qui prêtait un tant soit peu attention au contenu de son billet connaissait ce monument juridique. Elle s’appliquait à tout transport international de personnes, bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. Elle s'appliquait également aux transports gratuits effectués par aéronef par une entreprise de transport aérien.

Elle a été successivement complétée et amendée par de nombreux protocoles ou accords, donnant lieu à un système juridique complexe et peu clair au plan du droit international des transports aériens. En outre, cette Convention était jugée, depuis de nombreuses années inéquitable à l'égard des passagers, compte tenu du plafond de responsabilité du transporteur aérien qu’elle prévoit et dont le faible niveau fixé en cas d’accident (8300 DTS – droits de tirage spéciaux - soit environ 9 600 euros ; plafond porté à 16 600 DTS par son protocole modificatif de la Haye de 1955) ne correspondait plus à l’évolution économique actuelle.

Face à l’inadaptation de la Convention de Varsovie, et au vu de l’évolution du transport aérien international, il relevait d’une impérieuse nécessité de mettre en place un nouvel instrument juridique, ce qui a abouti à la naissance de “ la Convention de Montréal du 28 mai 1999 pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international ou le nouveau droit du transport aérien”. Cette convention a vu le jour après un accouchement difficile. Elle est entrée définitivement en vigueur le 4 novembre 2003 lors de sa trentième ratification (que l’on doit à la fois au Cameroun et aux Etats-Unis). Il a fallu que la Convention de Montréal soit ratifiée par un quorum de trente États membres de l’OACI pour avoir une force exécutoire à l’échelle internationale. La nouvelle convention sur le transport aérien est désormais de droit positif dans une soixantaine d’ Etat s à travers le monde.

La nouvelle convention de Montréal vise à remédier aux nombreux inconvénients suscités par cette fragmentation et inadaptation des textes, en unifiant et actualisant les dispositions pertinentes des instruments antérieurs pour mieux intégrer les évolutions qu’a connues le secteur du transport aérien au cours de ces dernières années tout en améliorant très sensiblement le régime d’indemnisation des passagers aériens, notamment en cas d’accident. L'élaboration de cette convention a permis de réaliser un équilibre satisfaisant entre les besoins et les intérêts de tous les partenaires de l'aviation civile internationale, les Etat s, les passagers et les transporteurs.

Une des principales caractéristiques du nouvel instrument juridique réside dans l’instauration du principe de responsabilité civile illimitée du trasporteur aérien en cas de dommages corporels. La Convention de Montréal prévoit désormais en la matière un système à “double niveau “ : un premier niveau qui fixe une responsabilité objective de plein droit, la responsabilité du transporteur aérien étant automatiquement engagée jusqu'à concurrence de 100000 DTS (soit environ 116 000 euros), sauf preuve d’une faute de la victime ; un second niveau, basé sur la présomption de faute du transporteur, sans limite de responsabilité, le transporteur aérien étant tenu de réparer à hauteur du préjudice subi s’il n’est pas en mesure de prouver qu’il n’a commis aucune négligence.

L'obtention d’une indemnisation sans de longues poursuites judiciaires devrait, par conséquent être facilité e, dans la mesure où il ne sera plus nécessaire au passager (ou à ses ayant droit en cas de décès) de prouver la faute inexcusable du transporteur pour obtenir le dépassement du plafond de responsabilité et donc la réparation intégrale des préjudices subis, comme c'est le cas avec le régime instauré par la convention de Varsovie.

D’autres dispositions de la nouvelle convention de Montréal s ' avèrent également favorables aux passagers : en cas d'accident, les États pourront demander au transporteur de faire des paiements anticipés (avance de premier secours) pour aider les victimes ou leurs ayant droit à subvenir à leurs besoins économiques immédiats ; en cas de mort ou de lésion corporelle d'un passager, les actions en responsabilité à l’encontre du transporteur pourront, sous certaines conditions, être intentées dans le pays où, au moment de l'accident, le passager avait sa ré s i d e n ce principale et permanente ; les plafonds d'indemnisation sont relevés pour ce qui concerne les dommages, retards et pertes de bagages. Ainsi, à l'actuel plafond de 17 DTS par kilo, en ce qui concerne les bagages enregistré s, est substitué un plafond global par sinistre dont le montant est fixé à 1000 DTS.

Enfin, et ce afin de garantir l’indemnisation des victimes, les transporteurs aériens sont désormais soumis au plan mondial à une obligation de preuve d’assurance. Il y a cependant lieu de rappeler que la convention de Montréal va continuer à coexister avec la convention de Varsovie, qui compte actuellement 151 États parties et qui continuera à régir les transports internationaux entre les États parties à la convention de Montréal et ceux n’ayant pas encore ratifié cette nouvelle convention.

En l’état actuel de la législation africaine, sauf à s’y méprendre, seul l’État camerounais a ratifié la Convention de Mont réal de 1999 sur le transport aérien international. N’est-il pas curieux et étonnant de voir un pays comme le Cameroun, dont l’état du transport aérien n’est pas le meilleur en Afrique, de s’aventurer dans une entreprise aussi coûteuse que la ratification de la Convention de Montréal ? L’initiative en soi n’est pas mauvaise.

Faut-il que le Cameroun arrive, dans la pratique, à honorer de tels engagements ? Il serait prématuré d’anticiper la réponse, mais les perspectives sont prometteuses si on s’attarde sur la frénésie dont est saisie l’autorité camerounaise sur le dossier Camair co.

Joël Patrick Etogo Ohandza

Juriste développeur